Dumbo, un hymne à la liberté


Une image du cirque traditionnel

C'est l'époque des grands cirques d'après guerre, et des grandes ménageries américaines, on pense de suite au Ringling Bros. and Barnum & Bailey Circus avec cette richesse de personnages atypiques devenant eux-mêmes des bêtes de foire : le grand noir fort, la femme poisson ou le charmeur de serpents...

Dumbo - Tim Burton 2019
 Le "Medici Brothers circus" ici présenté, n'a qu'une ménagerie réduite (un singe, un serpent, quelques souris et quelques éléphantes dont une attend un petit....). L'attachement aux animaux n'est lié qu'à ce qu'ils rapportent, les chevaux sont vendus car peu rentables. Les animaux ne sont pas de la famille du cirque, ils sont un "investissement" avant tout.  La brutalité du cornac lors des réactions protectrice de la mère Jumbo envers son éléphanteau Dumbo, est significative. Le milieu du cirque présenté par Tim Burton, s'il est coloré, vivant et riche n'en reste pas moins peu respectueux des animaux qui ne sont que des outils au service d'un divertissement lucratif. 

Les transgressions des codes

Toutefois, les premiers signes de transgression de cette vie codée et fermée malgré l'itinérance vont apparaître rapidement : le singe se révolte et n'en fait qu'à sa tête, la fille de l'écuyer Holt Farrier, infirme de guerre n'a "pas envie de se donner en spectacle", mais veut devenir scientifique et la violence du cornac à l'égard de Jumbo est de suite freinée par le cavalier incarné par Colin Farrell. 
Fritz - 1902

La furie de Jumbo qui rappelle de celle de Fritz, abattue à Tours en 1902, conduit le cirque à séparer la mère et le fils. Séparation qui rappelle celle qu'a vécue tout éléphant de cirque. La violence de cette séparation et donc de l'attachement du petit et de sa mère est clairement transposé à l'écran : les images de cages et de barreaux soulignent le caractère misérable de l'enfermement, le traitement des regards et les cris de séparation emporte le spectateur vers une empathie à l'égard des bêtes ainsi captives et seules, d'autant que les deux enfants de Holt Farrier ont également perdu leur mère. 

Séparée définitivement de sa mère, le petit Dumbo, dont les oreilles sont anormalement longues, devient un problème, celui-ci ne répondant plus aux attentes du cirque. Il deviendra clown faute de mieux... emprisonné tout autant par son statut d'animal que par sa différence. 

Symboles de la liberté 

La fille Farrier (Nico Parker), lui explique que lorsque qu'on a "le sentiment que la vie est bloquée derrière une porte, il faut tourner la clef" et c'est une plume - symbole de l'oiseau - qui va permettre à Dumbo sans le savoir de débloquer la situation, en découvrant ses capacités à voler. Envol, qui lui permettra selon les enfants Parker de retrouver sa mère. Dumbo n'est à aucun moment du film présenté comme satisfait de son sort, il exécute son numéro dans le seul espoir de retrouver sa mère. 
Dumbo - Tim Burton 2019

C'est dans le Colisée d'un énorme parc de loisir le "Dreamland" que l'impossible devient possible...

Les animaux (crocodile, loup et éléphant...) enfermés dans un repère de bêtes dangereuses, "l'île des cauchemars" sont grimés et ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes. La mère de Dumbo périt derrière les barreaux de ce sinistre lieu. La critique à l'égard des zoos semble clair, tant on retrouve aujourd'hui ces codes des parcs de loisirs dans les zoos contemporains, qui ne servent au final qu'un but lucratif et récréatif et ce au détriment des animaux qui y (sur)vivent. 


De la science à la libération animale

C'est au sein même de la "maison de la science", devant la statue de Marie Curie, que la fille Farrier va convaincre son père que Dumbo préférerait être avec sa mère. Cette affirmation marque le pas de la science sur les intérêts les plus vils. 

Il s'agit dès lors de libérer Dumbo et sa maman face à Dreamland et aux cirques qui ne les méritent pas. 

C'est le cavalier qui va entrainer avec lui et une trapéziste (Eva Green) les artistes du cirques à libérer les éléphants contre le monstre qu'est devenue cette industrie du divertissement, prête à tuer ses animaux et à licencier les personnes non rentables. La toile du chapiteau est symboliquement arrachée, le Dreamland part en fumée et même la clef et la plume ne sont plus nécessaire pour accéder à la liberté, il faut juste redevenir soi, prendre son envol... 

Le responsable du cirque (Danny de Vito) a la conviction désormais qu'aucun animal sauvage ne doit vivre en captivité, alors que le charmeur de serpents invite les éléphants à rentrer à la maison.  Le monde du cirque a réalisé sa propre reconversion en se libérant lui même de cette exploitation animale. Il en sort grandi et libéré. 

Dumbo et sa mère retrouvent à la fois, leur Asie natale, avec l'espace, la harde d'éléphants et l'eau dont ils ont été privés. La fin est belle, la fin est claire et sans ambiguïté contrairement à la version de Walt Disney en 1941. 

Si on peut regretter que les animaux domestiques ne soient pas concernés par cette libération, il faut noter la clarté du message quant à la captivité des animaux sauvages dans les cirques voire les zoos. Tim Burton montre clairement la tristesse et la détresse de ces bêtes captives en y apportant des éléments éthologiques quant à leurs besoins (sociaux, territoriaux...) et leurs liens affectifs avec leurs congénères, liens que la science - incarnée par la fille Farrier - approuve. 

A souligner et c'est essentiel quant à la crédibilité du message véhiculé, les animaux sauvages sont réalisés en images virtuelles. 

Un film à voir en famille... 






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